C’est marrant comme il est parfois très compliqué de mettre des mots sur certaines choses… Les ressentir et les vivre ont été une expérience extraordinaire, mais les retranscrire en phrases suffisamment fortes pour ne serait-ce que s’approcher des émotions qu’a pu susciter un tel moment, il y a des fois où ça relève tout simplement de la gageure.
Alors oui, A-Ha est pour moi un groupe mythique, un de ceux qui invariablement renvoie à la tendre enfance avec ce titre fabuleux qu’est « Take On Me », un des hymnes les plus célèbres et fameux des années 80 (qu’il est bon d’avoir été un gosse pendant ces années là !). Une ligne de synthés remarquable et reconnaissable entre mille, une mélodie comme on en fait tout simplement plus, avec en prime la voix cristalline de Morten Harket, véritable Apollon nordique qui en aura fait craquer des midinettes ! Ajoutons à cela un clip, peut être « Le Clip » (s’il devait n’en rester qu’un, je choisirai celui-là sans hésiter une seule seconde), superbe mélange d’animation et de prise de vue réelles, en adéquation parfaite avec les émotions que peut susciter le morceau en lui-même. Bref, le genre de tubes qui vous fait jouer machinalement du « air synthé » 25 ans après la première écoute, et qui vous traverse régulièrement la peau pour vous donner une petite chair de poule hautement juvénile.
Cela est difficilement explicable, mais le trio norvégien fût le temps de 3 premiers albums adulé de par chez nous, puis du jour au lendemain jeté quasiment aux oubliettes : les explications se trouvent peut être dans l’imagerie passéiste un tantinet « boys-band » qui collait à la peau du groupe, car du jour au lendemain, les radios et les télés françaises cessèrent totalement de diffuser le groupe. Une autre explication plus plausible serait de regarder de l’autre côté de l’Atlantique où MTV se désintéressa également sans crier gare de Morten et ses acolytes, le plus bel exemple étant cette incroyable marque de snobisme un soir de 1991 au Maracana durant le festival « Rock In Rio » : des artistes comme Gun’s n’Roses, George Michael ou encore Prince eurent droit à leur retransmission en direct avec pour chacun des artistes une très belle assistance de 60 000 pèlerins. De son côté, A-ha réussit l’exploit de réunir la même soirée plus de spectateurs que ces 3 mastodontes réunis : 198 000 aficionados vinrent les applaudir, ce qui constitue toujours un record aujourd’hui (Bono, si tu me lis… :))… ce qui n’empêcha pas MTV d’occulter totalement la performance du trio scandinave… D’ici à ce que ce désintérêt n’ait été contagieux, il n’y a qu’un pas…
Bref, tout ça pour dire que A-ha faisant sa tournée d’adieux en cette année 2010, il aurait été de fort mauvais goût de ne pas assister à leur dernière et unique représentation en France… L’attente au fil des jours qui s’égrenaient et nous rapprochaient de la date fatidique ne se déroula pas sans quelque note d’impatience bien légitime (j’ai pour ma part quasiment passé la moitié du concert de Santana (oui, je suis passé à côté, malgré des qualités indéniables) 2 jours auparavant à me siffloter dans la tête des morceaux de A-ha pour faire passer le temps.)
Un mardi de mouvement social, nous prîmes donc la voiture direction le Zénith de Paris. (d’un aspect toujours aussi vilain de l’extérieur, mais qu’importe, c’était ce qui allait avoir lieu à l’intérieur qui prédominait. Les deux dernières heures avant le concert furent un moment de trépignation (ou trépignement) et de jubilation. Alors certes ronger son frein, ça montre que les choses qu’on attend et que l’on espère ont une certaine valeur, mais rien ne vaut le moment où la musique d’ambiance s’arrête, où la lumière s’éteint, laissant apparaître sur les écrans des petites tâches vertes pixelisées, surgissant au son robotique de la voix de Morten, jusqu’à l’arrivée des 3 fiers guerriers du Valhalla sur scène.
C’est là, pile à ce moment précis qu’il est très compliqué de traduire avec des mots ce sentiment très particulier, cet instant magique où des personnes que vous adulez depuis tout gamin apparaissent en chair et en os devant vous, se matérialisent véritablement devant vous, provoquant tout autour dans l’assistance une émotion semblable : curieusement, j’ai vu ces dernières années un bon petit nombre de groupes/artistes que j’adule et que j’apprécie, mais aucun ne m’avait donné ce sentiment de quasi-félicité rien qu’à leur apparition sur scène, comme si le temps s’arrêtait, de ceux qui vous font dire que rien que pour ces fugaces instants, la vie vaut le coup d’être vécue, vraiment…
Les premières notes de « The Sun Always Shines On TV » résonnent, et les frissons débarquent, prévisibles certes, mais accompagnés d’un accès lacrymal qu’on aurait pu penser moins spontané J. Bref, le sourire béat fut de rigueur durant toute la setlist, ponctuée et saupoudrée par des moments magiques digne des plus grandes joutes. Le seul petit regret consistant en nos places certes proches, mais un tantinet excentrées, qui ne nous permirent pas de jouir pleinement de la scène : mais bon l’essentiel était bel et bien d’être présent.
Après cette entrée en matière remarquable qui eût tôt fait de mettre les éventuels sceptiques dans l’assistance bien d’accord avec les aficionados les plus féroces, suivirent « Move To Memphis » et « The Blood That Moves The Body », deux titres relativement rocks et pêchus. Vint ensuite ce fabuleux titre qu’est « Scoundrel Days », avec sa ligne de synthé hypnotique distillée d’une main de maître par Magne, la guitare fabuleuse de Pa(u)l, et enfin la voix grave de Morten, jusqu’à cette montée extraordinaire pour le refrain « And seeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeee, as our lives are in the making… » : un instant de toute beauté, dont je ne les remercierai jamais assez.
Ensuite, une triplette remarquable de chansons beaucoup plus légères et calmes, avec l’enchanteur « Stay On These Roads » (dont mon voisin de droite se souviendra longtemps, n’est-il pas ? ;)), le sublime « Manhattan Skyline » et ses mouchoirs blancs agités dans l’assistance (très très belle idée, je m’en veux encore d’avoir oublié les miens, le sot), et enfin cette ode au romantisme et à l’amour qu’est « Hunting High and Low », Morten partageant son micro avec le public reprenant à l’envi ce magnifique refrain : ne pas frissonner à ce moment là relève de la science…
Magne profita de la fin de ce petit set pour nous gratifier de quelques mots en français, langue qu’il semble plutôt pas trop mal maîtrisée : deux trois petites blagues, deux trois petits mots sympathiques qui font toujours plaisir à entendre, d’un trio qui semble incapable de tricher avec son audience, tellement leurs versions live sont empreintes d’une touche d’authenticité vraiment confondante . C’est là dessus qu’on écoutera avec grand plaisir le très rythmé « The Bandstand », premier morceau de leur très bon dernier album en date « Foot of The Mountain », montrant que les 3 norvégiens ont su s’adapter au temps qui passe, tout en gardant une patte qui leur est propre : y aurait-il du génie dans tout ça, mon avis est peut être un poil trop subjectif dans ces quelques lignes, mais j’aurai tendance à dire que oui 😉
Suite à « We’re Looking For the Whales » où l’on a pu admirer quelques images de baleines sur les écrans, le groupe s’éclipsa quelques secondes le temps que les roadies apportent un piano sur scène : le moment acoustique était effectivement arrivée, avec 3 très belles versions de « Butterfly, Butterfly (The Last Hurrah) » (leur dernier single), « (Seemingly) Non Stop July » et leur merveilleuse reprise des Everly Brothers « Crying In The Rain ».
Passé ce délicieux moment de calme, et le temps de se rendre compte qu’on avait sûrement déjà dépassé les 2/3 du 1er set, nos amis norvégiens revinrent pour une salve de cinq titres, essentiellement des titres des années 2000 : « Minor Earth Major Sky », « Forever Not Yours », « Summer Moved On » avec Morten et son incroyable note tenue plus de 20 secondes (vérifiée et chronométrée pour l’occasion ^^). Les deux derniers titres furent « I’Ve Been Losing You » et « Foot Of The Mountain », et c’est au moment où ils nous dirent « Good Night » pour la première fois, que je me pinçai pour réaliser que ça faisait une heure et demie que le concert avait débuté (et non pas 20 minutes comme il me semblait…)
Le rappel se solda par deux pépites des 80’s, « Cry Wolf » (Ouh Ouh) et « The Living Daylights », BO du James Bond « Tuer n’est pas jouer ». Au milieu, on a eu droit à un petit « Analogue » de 2005 extrêmement bien senti. Nouveau simili-départ du trio avant un retour très drôle, notamment de Magne qui s’allongea par terre en signe de reconnaissance : j’aurai bien fait pareil, mais dans les tribunes c’est pas évident. 😉
Alors, bien sûr, il était invraisemblable et impensable de ne pas terminer sur « Take On Me », que j’aurai voulu interminable, pour que ce moment reste en suspens le plus longtemps possible… Mais bien sûr, il y eût une fin, mais qu’importe : le morceau a été superbe, l’osmose avec le public indéfinissable tellement c’était beau, et l’au revoir très émouvant.
Les lumières se rallument, une petite musique de fin mêlant habilement « Stay On These Roads », « Manhattan Skyline » et « Hunting High and Low » permet gentiment de redescendre et de rouvrir les yeux, comme on se réveille d’un rêve merveilleux, avec la sensation d’avoir flotté dans les airs. Le sourire béat est toujours là, les images du concert et la musique se sont imprimées de manière indélébile dans la tête et dans le cœur, et qu’il est dur de quitter de tels lieux…
Au final, hé ben on en revient plus riches. Le temps aura beau tenter de faire son office, tenter d’embrumer un peu plus chaque jour les détails de cette soirée magique, je n’ai qu’une chose à dire, c’est qu’il aura bien du mal cette fois-ci le gredin… Et de toutes les manières, rien ne pourra m’empêcher de continuer à faire du air synthé sur l’intro de « Take On Me », rien ne pourra m’empêcher de tenter de ne pas avoir la voix qui déraille sur le « I’ll Be Gone, In a Day or Twoooooooooooo » (muer, c’est définitivement nul J)… Ces choses là sont immuables.
C’était la tournée d’adieu d’un trio magnifique : merci à Morten pour sa voix extraordinaire et magique, merci à Magne pour le son formidable de ses claviers, merci à Pa(u)l pour ses guitares et pour avoir écrit une très grande partie de leurs plus grands morceaux. Takk mes amis, que votre vie soit aussi belle que toute la beauté et la joie que vous avez pu apporter aux autres. Et personnellement, je ne vous dis pas adieu, car je sais qu’il n’y a pas un jour de mon existence où je ne penserai à vous et à ce moment de grâce.
A-ha are
Morten Harkett (Vocals)
Pa(u)l Waaktar-Savoy (Guitars)
Magne Furuholmen (Keyboards)
Setlist
1 – The Sun Always Shines On TV (1985, from “Hunting High And Low”)
2 – Move To Memphis (1993, from “Memorial Beach”)
3 – The Blood That Moves The Body (1988, from “Stay On These Roads”)
4 – Scoundrel Days (1986, from “Scoundrel Days”)
5 – Stay On These Roads (1988, from “Stay On These Roads”)
6 – Manhattan Skyline (1986, from “Scoundrel Days”)
7 – Hunting High And Low (1985, from “Hunting High And Low”)
8 – The Bandstand (2009, from “Foot Of The Mountain”)
9 – We’re Looking For The Whales (1986, from “Scoundrel Days”)
10 – Butterfly, Butterlfy (The Last Hurrah) (2010)
11 – (Seemingly) Non Stop July (1990, from “East Of the Sun, West Of the Moon”)
12 – Crying In The Rain (1990, from “East Of the Sun, West Of the Moon”)
13 – Minor Earth, Major Sky (2000, from “Minor Earth, Major Sky”)
14 – Forever not Yours (2002, from “Linelines”)
15 – Summer Moved On (2000, from “Minor Earth Major Sky”)
16 – I’vee Been Losing You (1986, from “Scoundrel Days”)
17 – Foot Of The Mountain (2009, from “Foot Of The Mountain”)
Encore 1
18 – Cry Wolf (1986, from “Scoundrel Days”)
19 – Analogue (All I Want) (2005, from “Analogue”)
20 – The Living Daylights (1988, from “Stay On These Roads”)
Encore 2
21 – Take On Me (1985, from “Hunting High And Low”)
belle prose pour un concert hors norme.
Et oui je chiale encore rien que d’y penser ^^
J’en ai encore des frissons et des larmes aux yeux en repensant à ce magnifique moment. Merci pour ce superbe résumé mais arrêtez de tacler Bono 😉
Désolé Gueguett’, je suis tombé dans la facilité 🙂
Mais en fait, plus qu’un tacle, cela peut être également l’occasion de montrer à U2 qu’ils leur restent des records à battre.
Battre le record de Simon & Garfunkel à Central Park sera très difficile. Ils ne battront pas tous les records. En tous cas, merci à vous de m’avoir emmené à ce concert, je suis en train de me refaire des lives de A-HA sur youtube 😉
Y aussi le concert des Stones sur la plage de Copacabana et son million de personnes qu\’il sera dur d\’aller chercher.
Plaisir partagé mon p\’tit Gueguett\’, cela aurait été vraiment dommage de ne pas avoir partagé ce grand moment tous ensemble 😉
Merci beaucoup pour ce très bel hommage à la hauteur de ce groupe. Beaucoup de coeurs ont palpité très fort le 12 octobre et l’osmose a fonctionné entre public et scène, même si l’émotivité norvégienne se veut d’être discrète… Nous sommes quelques 6000 véritables chanceux à avoir partagé ces moments de pur délice.
Merci pour ce bel article.
Je n’ai malheureusement pas pu venir d’ Alsace pour assister à ce concert à Paris(ooooh! comme j’aurais aimé). Grâce à toi, j’ai pu m’y projeter un peu. Je suis une fan de la première heure, et le serai restée jusqu’à la dernière…malgré le « lâchage » français durant les années 90, quand leur musique n’a plus été assez « commerciale » pour nos compatriotes…. …j’ai tous leurs albums ainsi que ceux de Morten en solo, dont j’apprécie ENORMEMENT la voix.Espérons qu’au moins les médias français daignerons faire passer le titre d’adieu…
Merci encore!
oups, j’ai fait une faute d’orthographe…Excuse-me…