Vous avez sans aucun doute déjà tout entendu à propos du dernier flim de Darren Aronofsky : que c’est un chef d’oeuvre, que la performance de Mickey Rourke est fabuleuse et devrait lui valoir un oscar, que vous pleurerez … bla, bla, bla. Ma foi. Autant vous le dire de suite: tout ceci est vrai.
D’emblée je dois vous confesser ma fanitude à Darren Aronofsky. Depuis le prise de tête Pi, le succès mérité de l’hallucinant Requiem for a Dream et la beauté ésotérique de The Fountain (injustement boudé) ont suffi à démontrer que le bonhomme savait manier à peu prêt n’importe quel type de sujets et surtout adapter sa réal’ de manière adéquate. J’étais donc excité comme un Marshall devant un DVD 80’s de Winona Ryder à l’idée de le voir se frotter au flim de sport.
Après un générique tout en coupures de presse, nous présentant la carrière fulgurante du catcheur Randy « The Ram » Robinson (Mickey Rourke) durant les années 80, nous nous retrouvons vingt ans plus tard, alors que ce même Randy monte encore sur le ring pour un combat dans une petite salle de province. D’entrée, le flim frappe par sa réalisation quasi-documentaire. Préparez-vous, c’est presque du caméra à l’épaule tout du long. Des dos, vous en verrez, croyez-moi. Ca a le mérite d’impliquer directement le spectateur dans la vie du Bélier, une vie qui va se trouver bouleversée par un accident cardiaque. Prié de mettre un terme à sa carrière par les médecins, Randy se rapprochera d’une femme -touchante Marisa Tomei-, d’une fille qu’il a négligé -Evan Rachel Wood, qui devrait manger des carottes- pour finalement désobéir et remonter sur le ring pour un combat des légendes.
Dans mon introduction je parle de chef d’oeuvre, c’en est assurément un; même si je vous arrête tout de suite, ce n’est pas LE chef d’oeuvre du siècle. C’est avant tout une histoire magnifiquement sordide. Celle d’un homme, jadis star du ring, dont la passion, qui après l’avoir éloigné de sa femme et de sa fille, l’a mené à vivre chichement dans un petit lotissement, enchaînant les combats de catch chorégraphiés à l’avance dans des petites salles crasseuses aux quatres coins des Etats-Unis.
On ne peut définitivement pas parler de The Wrestler sans saluer la performance plus que remarquable, exceptionnelle de Mickey Rourke. Diantre, quelle présence à l’écran. Jadis acteur « bankable », devenu un bon gros has been à force de pousser sur la boisson et les drogues, avant d’être défigurer par la chirurgie esthétique et le botox, il n’incarne pas Randy Robinson, il EST Randy Robinson. Cette star du passé que personne n’a oublié, mais dont tout le monde se fout hormis ses fans hardcore. Dès la première image du flim, Mickey disparait sous sa longue tignasse péroxydée. Il n’y a plus de Mickey, il n’y a que Randy Robinson, cette gloire « déchue » qui pour survivre bosse au supermarché local, tentant de séduire une maman stripteaseuse sur le déclin, incarnée par la tout aussi juste Marisa Tomei.
Et ses larmes p…, les larmes du Bélier face à sa fille. Quelle putain de scène. On en voit tous les jours des acteurs pleurer dans les flims. Et on n’est jamais vraiment touchés. Là, croyez-moi, on l’est. Quand on vous dit que ce qu’Arnofsky a obtenu de Rourke, c’est plus qu’un simple jeu d’acteur, croyez-nous. Peut-être que vous vous laisserez aller aussi à verser une petite larme, personnellement je me suis contenté d’une vieille chair de poule. Ca n’a pas été la seule. Parce que le script et le réalisateur ne lui font pas de cadeau. Si je devais vous raconter une scène qui m’a marqué je vous parlerai d’une où nous suivons Randy, de dos. Les chants du public en délire résonnent alors qu’il arpente les couloirs. Il arrive devant un rideau à lamelles, se fige. On n’entend plus que les cris de la foule. Il passe le rideau. Les clameurs s’interrompent brutalement pour laisser place au bruit des machines du supermarché. Il n’est plus celui qu’il a été. Plus de clameur pour lui. Cruel. Ne croyez pour autant pas que vous allez en prendre plein la gueule à la réalisation. Pas de multifenêtrage et d’effets à la Requiem où de gros FX comme dans The Fountain, Aronofsky s’efface derrière son sujet et ses personnages et leur laisse volontiers la vedette.
Rassurez-vous, vous aurez aussi l’occasion de sourire. Tout n’est pas noir non plus ! Pour peu que vous aimiez le hard à papa vous prendrez votre pied avec des Accept, des Scorpions, du Motley Crue et même des Guns n’ Roses. La classe. La galerie de portraits offerte par les catcheurs n’est pas mal non plus. Et faut bien avouer que the Ram sait aussi s’amuser.
Curieusement oublié de la liste des nommés pour le meilleur film -on encouragera Slumdog Millionaire-, The Wrestler sera malgré tout représenté par ses deux acteurs principaux. A moins que Sean Penn ne soit exceptionnel dans le Milk de Gus Van Sant, Mickey Rourke mérite la statuette. S’il vient la chercher. En tout cas, il montre tout de même une plus grande palette que l’ami Brad Pitt dans Benjamin Button. Si l’on continue à opposer les deux flims, Marisa Tomei, nommée pour la meilleure actrice dans un second rôle, mérite quand même plus que la maman adoptive de Benjamin (Taraji P Henson), reste à battre Penelope Cruz et les deux dames du religieux Doubt. PAs gagné, mais on croisera les doigts.
Nolan oublié pour the Dark Knight, il n’y avait pas de raison qu’Aronofsky y ait droit. Allez comprendre.
En attendant, rendez-vous dans le cinéma le plus proche pour voir ce fabuleux flim, de préférence en VO, parce que la bande annonce en VF n’est vraiment pas terrible. Personnellement je vais sans aucun doute y retourner.